L'ange exterminateur
Projection du 19 mars 2010 à 20 h 30
L'ange Exterminateur
Drame surréaliste de Luis Bunuel
Mexique - 1962 - 93 minutes - Noir et blanc -Version originale sous-titrée
Nobile, riche aristocrate de Mexico, invite ses amis à diner dans sa luxueuse maison de la rue de la Providence. Quelques faits bizarres se produisent : des domestiques partent sans expliquer leur comportement, le groupe connaît
une impression de déjà vécu, Ana retire de son sac deux
pattes de poulet alors que Blanca joue au piano une sonate de Paradisi.
Et voici qu'une étrange absence de volonté empêche les invités de franchir les limites du grand salon. Sentant venir la fatigue, les invités campent sur place.
photo du film
A l'aube le sortilège continue, il est impossible de sortir du salon. Le vernis des conventions disparaît, les belles manières font place à l'égoïsme le plus brutal. Un cadavre est caché dans un placard, deux amoureux se suicident, on perce les canalisations pour boire.
Le sortilège cesse après que l'un des invités ait eu l'idée de replacer chacun dans sa position initiale, au moment de la sonate de Paradisi, Les naufragés de la rue de la Providence sortent... Tout le monde se retrouve dans la cathédrale pour un Te-Deum de remerciement. C'est là que le sortilège recommence alors que des émeutes éclatent dans les rues.
Au départ, le film s'intitulait "Les naufragés de la rue de la Providence". Le titre définitif a été suggéré à Bunuel par un de ses amis, dramaturge, qui l'envisageait pour une pièce de théâtre. Le titre, référence à l'Apocalypse, était libre de droit et Bunuel l'a utilisé pour son film.
photo du film
Longtemps Luis Bunuel a gardé le silence sur ce film corrosif refusant
d'en donner la moindre clé. A la fin de sa vie seulement, il a consenti
à dire que le thème n'était autre que celui qui court
dans toute son œuvre : l'incapacité de l'homme à satisfaire
ses désirs.
Mais il convient de se méfier des déclarations de Bunuel surtout lorsqu'elles sont plus ou moins extorquées. Il
est ainsi faux de dire, comme le Frédéric Mitterrand pour sa
présentation au ciné-club de F2, que l'on voit deux fois, sous
des angles différents, les invités pénétrer dans
le hall et le maître de maison appeler son maître d'hôtel.
photo du film
Cette déclaration, qui ne tient pas à la vision du film, fait pourtant l'objet d'une longue anecdote, racontée par Bunuel, dans le livre de Jean-Claude Carrière.
Certes Bunuel a bien déclaré : "Je me suis toujours senti attiré, dans la vie comme dans mes films, par les choses qui se répètent sans savoir pourquoi." Mais les répétitions concernent d'une part les trois présentations successives entre Raul et Leandro puis, d'autre part, Edmundo qui porte deux fois le même toast, une fois avec succès, la seconde dans l'indifférence générale
Ainsi plutôt que de faire de ce film, comme on le répète un peu partout, celui du "mécanisme du désir et de son assouvissement impossible", on en fera plus simplement une charge surréaliste sur le mal de vivre existentiel de la bourgeoisie.
Les attaques de Bunuel possèdent un indéniable caractère
social : les bourgeois perdent les pédales dès que le bas peuple
déserte. Mais la mouche qui les a piqués est surtout reliée à une angoisse
terrible : la pièce où les personnages se cloîtrent presque volontairement
est le symbole de l'existence.
photo du film
Comme ce salon mondain, la vie offre une porte de sortie que l'on décide rarement de prendre : la mort. A travers ce film, Luis Bunel a visiblement assouvi son obsession : provoquer en beauté, avec une fascinante poésie de l'horreur.
"J'ai fait mes films avec la conscience tranquille. En aucune occasion, je n'ai transigé avec mes convictions morales et politiques."
Filmographie :
- Un chien Andalou (1928-1929)
- L'Age d'Or (1930)
- Terre sans pain (Las Hurdes, Tierra Sin Pan) (1932)
- Espagne 37 (Espana Leal En Armas) (1937)
- Gran Casino (En El Viejo Tampico) (1946)
- Le Grand Noceur (El Gran Calavera) (1949)
- Los Olvidados (Pitié pour eux) (1950)
- Susana la perverse (Susana, demonio y carne) (1950)
- Don Quintin l'Amer (La Hiya Del Engano) (1951)
- Una Mujer Sin Amor (Cuando Los Hijos Nos Juzgan) (Pierre et Jean) (1951)
- La montée au ciel (La Subida Al Cielo) (1951)
- L'Enjoleuse (El Bruto) (1952)
- Robinson Crusoé (Aventuras De Robinson Crusoe) (1952)
- El (él) (1952)
- Les Hauts de Hurlevent (Abismos de Pasion, Cumbres Burrascosas) (1953)
- On a volé un Tram (La Illusion Viaja En Tranvia) (1953)
- Le Fleuve de la Mort (El Rio y la Muerte) (1954)
- La Vie Criminelle d'Archibald De La Cruz (Ensayo De Un Crimen) (1955)
- Cela s'appelle l'Aurore (1955)
- La Mort en ce Jardin (La Muerte En Este Jardin) (1956)
- Nazarin (Nazarin) (1958)
- La Fievre Monte a El Pao (Los Ambiciosos) (1959)
- La Jeune Fille (The Young One)
- Viridiana (Viridiana) (1961)
- L'Ange Exterminateur (El Angel Exterminador) (1962)
- Le Journal d'une femme de chambre (1963)
- Simon du Désert (Simon Del Desierto) (1964)
- Belle de Jour (1966)
- La Voie Lactée (1968)
- Tristana (Tristana) (1969)
- Le charme discret de la bourgeoisie (1972)
- Le Fantome de la Liberté (1974)
- Cet obscur objet du désir (1977)
Ouvrages sur Luis Bunuel :
- Luis Buñuel, par Charles Tesson, aux Éditions Cahiers du Cinéma.
- Luis Buñuel, par Raymond Lefèvre, aux Éditions Edili F-9
- Luis Buñuel, par Frédéric Grange et Carlos Rebolledo, aux Éditions Universitaires.
- L'oeil de Buñuel, par Fernando Cesarman, aux Éditions Dauphin.
- Luis Buñuel, par Ado Kyrou, aux Éditions Seghers "Cinéma d'aujourd'hui"