Irina Palm de Sam Gabarski
Le P'tit Seize, le ciné-club de Saint-Rvoal,
vous convie à la projection du film
IRINA PALM de Sam Gabarski
2007 Couleur - 105 mn
Le vendredi 22 février 2013 à 20 h 30
Maggie mène une vie paisible, morne, une vie de veuve qui n’a jamais travaillé, à l’abri de l’activité débordante de Londres, dans une banlieue où le bridge et les emplettes à l’épicerie semblent les seules distractions. La maladie de son petit fils la plonge dans une recherche désespérée d’argent pour l’envoyer suivre le traitement de la dernière chance en Australie. En acceptant un poste d’hôtesse dans un night-club, elle acquerra bien plus que de l’argent : une reconnaissance dépassant largement le cadre de son milieu social. Sam Garbarski surprend en changeant peu à peu de registre et laisse l’affirmation d’une femme devenir le véritable enjeu du film. S’il faut accepter la bonhomie (?) du milieu pour se laisser porter, Marianne Faithfull crédibilise totalement l’histoire et s’impose dans sa façon discrète mais expressive et si terriblement humaine d’occuper l’espace.
Ça commence comme un drame social à l’anglaise, plus du côté de Ken Loach que de Stephen Frears, plus tourné vers la dignité glacée que vers l’humour. Le petit fils de Maggie, gravement malade, doit être opéré d’urgence. Il faut beaucoup d’argent, ses jeunes parents n’en n’ont pas. Maggie se décide alors à chercher un travail.
Encore quelques scènes où on lui rappelle son âge et son absence de qualifications.
Sous des airs de critique de la société moderne, le début d’Irina Palm révèle mine de rien ce qu’à pu être toute la vie de Maggie. Veuve qui n’a jamais eu besoin de travailler, elle résiste tant bien que mal aux coups du sort, dans sa banlieue paisible où les accros du bridge rôdent à l’affût des ragots. Ironie, c’est Marianne Faithfull qui tient le rôle de la tranquille femme au foyer propulsée dans la jungle urbaine pour survivre. Son visage lisse, sage, sa douceur et l’offuscation seulement révélée par le frémissement d’une main ou d’une ride rend croyable l’évolution du personnage.
Dès que le train la dépose à Londres, l’espace qui la sépare de la caméra s’encombre d’objets et de passants qui renforcent son aspect vaguement fantomatique, comme si elle glissait dans un univers parallèle. Ici Maggie n’existe pas.
C’est le moment où elle entre dans un club de Soho : on cherche une hôtesse. Plongée de la caméra et de mère-grand dans le glauque baigné de rouge d’un bar à barres autour desquelles s’échinent des filles nues. Maggie y rencontre Miki, patron et proxénète paternaliste pas rebuté par son âge. Lorsqu’il lui montre les loges, puis qu’une collègue lui explique le travail, le rouge orangé et le vert des peintures brillantes apparaissent gras, presque poisseux.
Évolution progressive de la lumière et de ses reflets, habiles révélateurs de l’appréhension changeante des lieux. Lorsque Maggie se sera habituée, la lumière, sur ces mêmes couleurs, évoquera plutôt l’intimité, la chaleur.
Ce qui aurait pu être le début d’une dramatique dégringolade est en fait le début d’une ascension. Non pas par la guérison de l’enfant (on ne sait pas au final pas s’il est sauvé), mais par l’affirmation de Maggie, grâce à Irina Palm. Précision : Irina Palm, c’est le nom de scène de Maggie lorsqu’à travers une cloison, elle masturbe des clients qu’elle ne voit pas ; seuls dépassent les sexes, anonymes, d’un trou rond. Passés les quelques premiers gestes effrayés, les premiers paquets de mouchoirs et lavages de mains frénétiques, la petite loge verte devient moins glauque, Irina-Maggie importe même de chez elle quelques tableaux, des fleurs.
À la différence d’autres filles, elle ne souhaite pas séparer sa vie du travail, sa vie existe par le travail.
L’intérêt du film de Sam Garbarski, réalisateur du Tango des Rashevski, repose sur l’affirmation de Maggie, la transcendance de sa vie sociale. Le drame, qui devient vite une toile de fond, n’a plus de réelle importance, tout s’axe peu à peu autour de cette femme et de son anoblissement. L’opposition de ce devenir à la manière d’y parvenir est balayée par Marianne Faithfull répondant au « masturbation ? » mi-outré mi-intrigué d’une de ses voisines lors d’une tea-party : un « I’m Irina Palm » plein de fierté d’être « la meilleurs main droite de Londres ». À cette idée que la fin dépasse les moyens se collent quelques aspects un peu plus lourds parfois, dont l’histoire d’amour avec le (trop ?) doux Miki, le proxénète. Anti-cliché qui frise d’en devenir un, le night-club devient bien innocent et sa faune plutôt sympathique. Mais c’est un des points à évacuer − comme le point de vue social sur les rapports hommes-femmes dans ce milieu − pour pouvoir se laisser bercer par le flottement lent et doux d’Irina Palm.
Marianne Faithfull en veuve poignante qui devient "veuve poignet", ça vaut le détour...
Et si elle en a fait rêver plus d'un (et plus d'une) à cette époque :